L’implantation du premier chef

mercredi, juillet 1, 2015

Le glas va sonner pour la souveraineté des enfants de Ka’tchou avec l’arrivée d’un certain chasseur, Djeu’dom, qui serait venu d’un village, dénomé « Mekot », situé dans la plaine des Mbos. Il serait arrivé dans cette contrée au hasard d’une partie de chasse. Les autochtones le reçurent alors avec beaucoup de grâce, au nom de ce qu’on appelle aujourd’hui volontiers la solidarité africaine. Sensible à l’accueil, comme tout bon étranger qui refuse d’être ingrat, il distribua ses gibiers à la population. Il décida alors de séjourner plus longtemps au milieu de ce peuple qui l’aimait et qu’il ravitaillait en viande de brousse. Il devint rapidement le chasseur du Chef et acquit sa noblesse. On l’assimila aussitôt à un enfant du pays et même à un prince. Notons que si Ka’tchou est le premier territoire conquis de Djeu’dom, le nom Fondjomekwet, n’a existé qu’avec l’avènement de ce chasseur venu de la plaine. On peut donc considérer que Djeu’dom et Koumebou furent à l’origine du village Fondjomekwet.

Fresque de Kuete MiterandFresque de Kuete Miterand
De Fô Koumebou à Fô Djeu’dom ou une succession contre nature

Après son intégration complète dans le village, Djeu’dom nourrit d’autres ambitions : devenir un Chef du village. Mais il ne pouvait atteindre cet objectif en renversant Fô Koumebou, celui-là même qui le reçut cordialement à son arrivée. Comme il jouissait d’une bonne audience auprès du monarque du village, un jour, il alla d’une manière grave et très courtoise lui proposer de réfléchir à sa succession, puisque sa vieillesse et son âge avancé le rapprochaient irrémédiablement de la mort. Aux yeux du vieillard, aucune proposition au monde n’était plus sage et plus censée.

Mais comment choisir le successeur parmi tous les nombreux enfants de la Chefferie ? Selon la tradition, la Chefferie possédait un bracelet sacré que devrait porter le chef héritier, pourvu que celui-ci convienne à son poignet. Plus sage encore, Djeu’dom sortit le chef de l’embarras en lui proposant d’essayer le bijou sacré à celui dont le poignet pourrait le recevoir. Il saisit le conseil avec empressement et désigna son fils bien aimé, Kom-nie. Malheureusement pour lui, le porte-bonheur n’était pas moulu à la taille du dauphin. Comme Djeu’dom l’assistait étroitement dans l’opération, il implora les faveurs du vieillard pour le substituer à son fils.

Une pensée populaire affirme qu’un morceau de bois jeté dans l’eau ne peut jamais devenir un poisson ; rien n’est plus vrai. Djeu’dom était venu de la plaine, certes, et de ce point de vue on pouvait l’assimiler à un poisson. Or, les choses se présentaient autrement. La chefferie de Ka’tchou était devenue son milieu naturel et il y était considéré comme un enfant de la maison. Un enfant, qu’il soit blanc ou noir, un enfant est toujours un enfant. A plus forte raison celui qui est venu de chez le voisin et qui est élevé à la maison. Aussi le Chef Koumebou décida-t-il de lui faire essayer le bracelet qui épousa son poignet comme si la nature ne l’avait conçu que pour lui.

Et suivant les us et coutumes de la Chefferie, il devait être présenté en cérémonie officielle devant les notables et la population. La nouvelle indigna au plus profond d’eux-mêmes les fils légitimes , raison pour laquelle ils décidèrent d’étouffer cet étranger usurpateur. Mais ceux-ci oubliaient ou plutôt ignoraient qu’il portait déjà sur lui le bracelet sacré. Le jour de la cérémonie, un précipice fut creusé sous la chaise du prince-héritier, pour le faire disparaître, afin d’obliger le chef à en choisir un autre. Heureusement Djeu’dom eut le flegme du chasseur qui lui commanda la prudence extrême et, à la grande surprise du Chef et au grand désarroi des « putschistes », il décida de répondre à l’appel plutôt au milieu de la foule. Nous ignorons ici quel a été le rôle du service de protocole : aussi savons-nous tout simplement que le Chef est venu s’installer d’abord sur la chaise de Djeu’dom. Tous n’ont pu que constater que la catastrophe et le pauvre Chef est passé de vie à trépas.

Le Chef mort en 1426, la succession revenait à celui qui, selon la tradition, détenait le bracelet sacré. Au grand ahurissement du plus grand nombre, c’était Djeu’dom. Redoutant la colère du peuple, il aurait laissé provisoirement le trône à Kom-nie, se contentant du rôle flou de premier conseiller. Lorsque Kom-nie a décidé de déplacer la chefferie de Ka’tchou à Djam’la, Djeu’dom est revenu sur sa décision et a repris son trône. Cependant, il reconnut ses qualités de grand conquérant, et pour le consoler, le baptisa Zeu Komnie et l’installa, selon la stratégie d’occupation de l’époque, dans une région nouvellement conquise. Le Chef du quartier Deumchang est héritier de cette grande personnalité associée à l’histoire primitive du groupement Fondjomekwet.

Texte de David Nouwou, actualisé en juillet 2015 par S.M DJOMBISSIE KAMGA Yves, Chef Supérieur de Fondjomekwet.

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