Reconstitution et mise en scène d’un patrimoine artistique, culturel et naturel au sein de la Chefferie supérieure de Fondjomekwet

Responsable:

Yves Girault, Professeur a l'Unité de recherche mixte Patrimoines locaux et gouvernance du Muséum National d'Histoire Naturelle. Paris, France.

Participants:

Angela Barthes (géographe), Mathieu Salpeteur (anthropologue), Geoffroy de Saulieu (archéologue) Rachel Mariembe (conservatrice), Jules Tcheumenok Kouemo (géologue).

Contexte et Présentation du projet :

Ce programme « recherche action » a pour objet l'accompagnement scientifique et l’analyse des processus de reconstitution et de valorisation des patrimoines naturels et culturels dans les hautes-terres de l’Ouest-Cameroun. Il s’inscrit dans le cadre d’une collaboration amorcée de longue date entre des membres de l’UMR 208 et Sa Majesté Yves Djombissié Kamga, Chef Supérieur du groupement Fondjomekwet (Ouest-Cameroun).

Initié en mars 2012, à la demande Sa Majesté Yves Djombissié Kamga, ce programme qui s’inscrit dans une perspective de développement économique et culturel, avait pour premiers objectifs lors de sa mise en place :

  • d’accompagner la création d’un musée, afin de conserver et mettre en valeur le patrimoine culturel local, l’histoire du royaume de Fondjomekwet et de la région ;
  • de reconstituer un cheptel de taurins, variété endémique de Bos taurus, dont l’élevage était auparavant l’apanage de ce royaume ;
  • de créer un centre de documentation dédié à la région ouest du Cameroun (les « Grassfields ») attaché au musée, destiné à la fois aux populations locales (enfants et adultes) et aux scientifiques camerounais et étrangers.

Sa Majesté Djombissié Kamga dans son bureau.Sa Majesté Djombissié Kamga dans son bureau

Ce programme de recherche avait également pour objet d’analyser les enjeux et les processus à l’œuvre dans la reconnaissance, la constitution et la mise en scène des patrimoines locaux, « naturels » et « culturels ». En effet, s’il existe d’ores et déjà de nombreux travaux portant sur la "patrimonialisation" et dont certains portent sur les enjeux associés qui accompagnent les créations de musées en Afrique (Gaugue 1999 a et b , Robert 2007, Brianso & Girault 2014 a et b, Girault 2015), le contexte spécifique de la région des « Grassfields », offre une opportunité unique d'étudier les différents processus à l'œuvre au niveau local, au sein d'un royaume, lorsque la décision de mettre en valeur un ou des patrimoines locaux y est prise, et d'en suivre toutes les étapes. De façon plus précise, alors même que plusieurs chefferies Bamilékés ont participé à la création de cases patrimoniales mettant pro ou prou en scène une expographie du pouvoir, notamment avec le programme de la "route des chefferies », ce projet s’ancre dans une démarche participative qui a pour objet d’associer au mieux la population dans la réalisation de l’inventaire du patrimoine de Fondjomekwet. En effet, les pratiques patrimoniales participatives, bien que critiquées par certains chercheurs (Perkin, 2010 ; Watson, 2007), semblent se présenter comme un compromis interculturel évolutif entre des modèles normatifs occidentaux et des populations locales trop longtemps marginalisées. Il nous semble également qu’une éthique patrimoniale basée sur l’hybridation (savoirs, expertise) soit la seule qui puisse « produire un rapport patrimonial interculturel véritablement inclusif » (Paquette 2012).

L’approche interdisciplinaire que nous privilégions (anthropologie, archéologie, géographie, géologie, muséologie) et l’originalité d’une approche participative dans cette région compte tenu de l’organisation sociale bamilékée très hiérarchisée, devrait nous permettre de développer une analyse particulièrement large et approfondie des dynamiques à l'œuvre dans ce royaume.

Yves Girault

Professeur au Muséum national d’Histoire naturelle, Paris, France - Unité de recherche : Patrimoines locaux et Gouvernance.


Références :

Boutrais J., 1998, « Les taurins de l’ouest du Cameroun », in Seignobos C. & Thys E., (éd.), Des taurins et des hommes, Paris : ORSTOM, p. 313-326.

Brianso I., Girault Y. (2014 a). Instrumentalisations politiques et développementalistes du patrimoine culturel africain. Études de communications, Anthropologie des savoirs, n° 42, pp 149-162.

Brianso I., Girault Y. (2014 b). Innovations et enjeux éthiques des politiques environnementales et patrimoniales : l’UNESCO et le Conseil de l’Europe. In Enjeux éthiques des politiques en matière d'environnement. Éthiques publiques, Sauvé L., Girault Y. (Coord), vol. 16, n° 1, 264p., pp 17-37.

Gaugue A. (1999a), Musées et colonisation en Afrique tropicale, Cahier d’études africaines, Vol 39, Cahier 155/156 Prélever, exhiber, la mise en musées, p. 727-745.

Gaugue A. (1999b), La mise en scène de la nation dans les musées d'Afrique tropicales, In Ethnologie française, nouvelle série, T. 29e, n° 3e, Musée Nation : après les colonies. Presses Universitaires de France. p. 337-344.

Girault Y. ( sous presse 2015) Des premiers musées africains aux banques culturelles : des institutions patrimoniales au service de la cohésion sociale et culturelle. in Mairesse F. (eds) Nouvelles tendances de la muséologie.

Paquette J. (2012), « Expertise et patrimoine autochtone : hybridation des savoirs et évolutions récentes des pratiques patrimoniales en Nouvelle-Zélande », Éthique publique [En ligne], vol. 14, n° 1 | 2012, mis en ligne le 03 février 2013, consulté le 06 juin 2013. URL : http://ethiquepublique.revues.org/974 ; DOI : 10.4000/ethiquepublique.974 Perkin C. (2010), Beyond the rhetoric : negotiating the politics and realising the potential of community-driven heritage engagement, International Journal of Heritage Studies, Vol. 16, nos 1-2, p. 107-122.

Robert Y. (2007), Musées en Afrique entre universalité et singularité : réflexions et propositions, in Bouttiaux A.M. (Ed) Afrique : musées et patrimoines pour quels publics ?, p. 13-33.

Salpeteur M., 2010, « Espaces politiques, espaces rituels : les bois sacrés de l’Ouest-Cameroun », Autrepart, n°55, p.19-38.

Seignobos C., 1998, « Taurins du Cameroun, une extinction annoncée ? » in Seignobos C. & Thys E., (éd.), Des taurins et des hommes, Paris : ORSTOM, p.351-384.

Watson S. (2007), Museums and their Communities, Londres, Routledge, 592 p.